Beat Richert, pédagogue spécialiste des médias, connaît la face lumineuse mais également les côtés sombres des médias numériques. Dans un entretien avec Quartierplus, il aborde les opportunités et les risques du monde virtuel et nous explique le pour et le contre des médias numériques, les approches différentes selon les générations et comment réussir la cohabitation.
À partir de combien d’heures d’écran par jour l’utilisation des médias numériques devient-elle problématique ?
Cette question m’est posée à chaque exposé et ma réponse est toujours la même : il n’y a pas de réponse catégorique, cela dépend. Ce qui est important est de conserver un équilibre entre la vie réelle et les mondes virtuels. Aussi longtemps que la vie sociale est harmonieuse, que les prestations scolaire ou professionnelles sont en ordre et que la santé va bien, le temps passé quotidiennement face à un écran n’est pas déterminant. Mais si nous prenons régulièrement le smartphone en main et qu’immédiatement après l’avoir activé, nous oublions pourquoi, cela signifie que c’est plutôt l’appareil qui nous a pris en main.
Le risque d’addiction est-il plus important pour les jeunes que pour des personnes plus âgées ?
Les jeunes de moins de 16 ans sont pratiquement nés avec le smartphone. Ils considèrent comme normal d’être toujours et partout en ligne. Ils n’ont guère de recul et ils ne disposent pratiquement pas de possibilité de comparaison avec des solutions analogiques. C’est pourquoi les jeunes sont nettement plus vulnérables que les seniors. En outre, le développement du lobe frontal qui pilote les décisions rationnelles et la réflexion critique est n’est achevé que vers 20 ans. Par conséquent, les jeunes sont par nature moins à même d’apprécier les situations et de prendre des décisions rationnelles. D’ailleurs, plus de trois quarts d’entre-eux estiment que leur temps d’écran est trop élevé mais ne parviennent pas à le réduire.
Qu’est-ce que les seniors peuvent apprendre des jeunes en termes d’usage des médias numériques ?
Très schématiquement, les jeunes sont plus rapides, mais les seniors souvent plus malins. Il s’agit donc de combiner le savoir-faire manipulatoire des premiers avec la réflexion critique des seconds. Ce qui est très intuitif et qui semble aller de soi pour les jeunes, par exemple installer une nouvelle application ou taper avec le pouce plutôt que l’index, peut poser des difficultés aux personnes âgées. Il peut encore s’agir de prendre une photo avec le téléphone sans cacher la caméra avec les doigts. L’échange de connaissances et de conseils pratiques peut être très utile.
Qu’est-ce que les aînés ne devraient pas imiter chez les jeunes ?
Actuellement, nous assistons à une aliénation croissante des jeunes pour lesquels le statut hors ligne devient l’exception. Ils inversent la perception de la réalité. Quand l’appli météo annonce de la pluie, ils vérifient par la fenêtre si le monde analogique est aligné sur le monde numérique. Cette tendance à la prédominance numérique me semble dangereuse, cela n’aurait aucun sens que les générations plus âgées s’y mettent aussi. L’année dernière, pour la première fois, un nombre plus important de jeunes gens a consulté un médecin pour des affections psychiques plutôt que des maux physiques. Le glissement croissant de la vie réelle vers le monde numérique favorise cette aliénation et exerce une influence néfaste sur la santé mentale des jeunes.
Quels conseils les seniors peuvent-ils donner aux jeunes en termes d’usage des médias numériques ?
Les seniors peuvent encourager les jeunes à introduire systématiquement des moments hors ligne et leur montrer qu’il existe des alternatives au recours constant au smartphone. Des discussions, des jeux de société, la visite d’un musée en commun, voire la consultation d’une bibliothèque sont des moments bénéfiques pour les deux générations.
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